©Jean-Louis Fernandez

Change me et Nickel : La jeune création n’a pas froid aux yeux

La jeune création s’attaque avec humilité et talent à des sujets (encore) tabous : le transgenre et l’homosexualité.
La compagnie Mauvais Sang et le Théâtre National Immatériel, deux jeunes compagnies audacieuses à retrouver au domaine d’O les 27 et 28 février avec Change me de Camille Bernon et Simon Bourgade et les 26 et 27 mars avec Nickel, coproduction domaine d’O, de Mathilde Delahaye et Pauline Haudepin.
Pour clôturer cette saison, deux spectacles hors normes, au succès reconnu, à ne pas manquer au domaine d’O ! Qu’elle traite de la dysphorie de genre ou de l’affirmation d’une identité, ces œuvres nous interpellent sur notre rapport à la différence, sur notre liberté. Où en sommes-nous, vraiment ?


CHANGE ME

Compagnie Mauvais Sang
Théâtre à partir de 15 ans
D'après Ovide, Isaac de Benserade et la vie de Brandon Teena
Conception et mise en scène : Camille Bernon et Simon Bourgade
Jeudi 27 et vendredi 28 février à 20h au théâtre Jean-Claude Carrière

C’est une histoire vieille comme le monde, étrange et douloureuse, qui traverse l’Humanité depuis la nuit des temps. L’histoire d’une personne affublée d’un sexe qu’elle ne reconnaît pas. Axel-e est né-e fille mais se sait garçon. C’est l’histoire d’Iphis, racontée par Ovide dans ses Métamorphoses, puis reprise et réécrite en alexandrins par Isaac de Benserade en 1634. L’histoire de Brandon Teena, violé et assassiné dans le Nebraska en 1993. Change Me est un long thriller haletant à l’issue dramatique et connue de tous, chronologie mortifère d’une ébauche amoureuse. Comme Iphis aimait Iante, comme Brandon aimait Lana, Axel aime Léna en cachant son terrible secret que nous découvrons en remontant le temps dans ce spectacle unique sur la transsexualité. Un véritable uppercut porté par la finesse du texte, la violence des situations et le jeu de cinq comédiens extraordinaires.

"La compagnie Mauvais Sang frappe fort avec une première création qui mixe fait divers et mythe antique [...] Tout fonctionne admirablement, porté par cinq comédiennes et comédiens d'une puissance saisissante. Brûlant et glaçant à la fois"
Marie Plantin - Les Théâtre(s) Hiver 2019

"Camille Bernon et Simon Bourgade dénoncent sans ménagement le crétinisme hétéronormé [...]. Cette troupe de jeunes comédiens a frappé fort pour le droit d'affirmer sa sexualité au-delà des apparences."
Gérald Rossi - L'Humanité - 28/05/18

"Change me fait rire, fait sursauter, fait réfléchir. Autant de raisons d'aller la voir et de se laisser porter".
Carla Peyrat - Le Point - 23/05/18

 

Note d’intention

Nous portons à la scène un sujet encore tabou aujourd'hui : la crise identitaire vécue par quelqu'un né dans le sexe biologique qui ne correspond pas à son genre, et l'incompréhension ou le scandale que cela provoque. À travers le personnage d'Axeille, jeune homme trans qui tait son identité, nous souhaitons mettre en lumière la difficulté de l'affirmation de soi, de sa sexualité et de son identité parmi les autres. Cristallisant fantasmes et crispations, il devient le révélateur de l'inconscient de la société qui l'entoure. Au même titre que les autres personnages, il n'échappe pas à l'injonction permanente de correspondre à ce qu'on attend d'un homme ou d'une femme.
Notre société stigmatise ceux qui ne s'accordent pas à la norme, les enferme dans la catégorie des déviants ou des monstres, et se définit par leur exclusion : ils deviennent ainsi des boucs émissaires sur lesquels déverser la violence sociale qui est à l'œuvre partout.

«Affirmer que ça n'est pas permis, empêcher que ça soit dit, nier que ça existe.» Michel Foucault, L'Usage des plaisirs.
Nous voulons montrer comment - parce qu'on a toujours censuré, nié ou encore marginalisé cette partie de la population -, la même histoire n'a eu de cesse de se répéter ; comment, parce qu'elle a été occultée, cette histoire est toujours à l'oeuvre, depuis Ovide jusqu'à nos faits divers contemporains ; et comment elle a été à chaque époque source de violence.
[…]
Monté comme un thriller,
Change me est une plongée jouissive et désespérante dans une soirée d'adolescents qui tourne au drame. Pour rester au plus près des enjeux vécus par (phis et Brandon Teena, nous avons placé nos personnages dans un contexte social identique : un milieu clos, asphyxié, où tout le monde se connaît et dont on ne peut s'échapper à cause de la pauvreté. Dans cet espace sans anonymat, chacun est atteint par le secret d'Axel et s'approprie son histoire, comme si elle était l'affaire de tout le monde. À travers nos héros nous voulons prendre le pouls de ces jeunes gens qu'on dit désoeuvrés, qui ne savent pas comment employer l'énergie dont ils débordent, et qui s'emparent de tout ce qu'ils peuvent pour faire sens.
Il faut que notre société regarde ses enfants. Et il faut les regarder en face, sans détourner les yeux ou faire la moue, sans la posture confortable de celui qui peut rentrer chez lui le soir sans en souffrir ; les regarder comme ils sont et non comme nous voudrions qu'ils soient.

Camille Bernon et Simon Bourgade


NICKEL

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Théâtre National Immatériel
Création en novembre 2019 Centre dramatique national de Tours-Théâtre Olympia
Mise en scène Mathilde Delahaye – Texte Mathilde Delahaye & Pauline Haudepin
Jeudi 26 et vendredi 27 mars à 20h au théâtre Jean-Claude Carrière
Coproduction domaine d’O

Dans une ancienne usine de nickel devenue bar underground abandonné à la nature qui y reprend ses droits, une société humaine se glisse dans les interstices des mondes disparus. Nickel est l’histoire d’un lieu traversé par le temps et habité par différentes communautés qui s’inventent en résistant. Né dans les bars gays et trans des communautés afro-américaines de New-York dans les années 80, le Voguing est la danse, sophistiquée et très codifiée, d’une communauté doublement stigmatisée, parce que noire et queer. Sur scène, acteurs et danseurs, à l’image du Voguing, interrogent notre capacité à nous réinventer dans les transformations du monde. Un spectacle qui ébranle la pensée et l’esthétique en croisant chorégraphie, poésie, musique et recherches anthropologiques.


Note d’intention
Le désir de ce spectacle est né d’une rencontre avec la communauté de voguing parisien. En assistant à des balls et en écoutant parler les performeurs, j’ai senti qu’il y avait quelque chose de puissant qui se passait là, dans l’invention d’une langue de résistance, dans la codification à l’extrême, dans les rituels que contient cette culture. Je ne veux pas faire un spectacle sur le voguing, ce n’est pas mon endroit, en revanche, travailler avec des vogueurs, comprendre et utiliser le voguing comme une technologie de pensée, dire comment la marge stigmatisée fait communauté pour réinventer sa vie: c’est tirer un fil, celui d’une résistance par le rituel exutoire, qui parle à tous, et qui fait théâtre.
Le voguing est une culture, plus que la désignation d’un style de danse urbaine. Il est né d’une double exclusion: celle de la communauté homosexuelle au sein de la communauté noire, à New-York dans les années 80. Des jeunes personnes racisées, homosexuelles et/ou trans, dans des situations parfois très précaires, se retrouvaient ensemble, inventaient un mode de communauté protectrice et soignante, créaient les conditions pour réinventer leur vie, se redéfinir dans les marges d’un monde où leurs places étaient dangereuses. Réinventer des hiérarchies -les « mothers » des « houses » que l’on se choisit, groupe d’une dizaine de personnes, jouent un rôle social très fort, d’éducation et de protection-, des pronoms, des styles de vie et des modes de fonctionnement inédits qui leur correspondaient.
La naissance de telles communautés en France date d’une petite dizaine d’années et est venue répondre au même désir d’expression, de solidarité et de fête. Les structures inventées sont similaires, et le rituel des balls -les soirées où s’affrontent les vogueurs dans des battles déclinées en différentes catégories de performance, souvent relatives à la performance de la féminité- se sont adaptées au contexte politico-social français.
C’est en fréquentant les balls et en rencontrant des personnalités influentes de la scène voguing français que j’ai décidé de travailler avec deux des performeurs qui seront dans le spectacle. Je veux travailler avec le vocabulaire de cette contre-culture d’aujourd’hui, avec ce qu’elle appelle d’inclusion, de liberté, de joie.
En m’inspirant d’eux, m’est venue une fable, une arche narrative, qui montrerait le passage du temps dans un lieu unique, dans les marges desquelles une succession de petites communautés résistantes se fraieraient une vie.
Dans le spectacle, il y aura des vogueurs et des acteurs, sept performeurs au total, qui font communautés passagères dans un espace scénographique en permanente métamorphose, un espace-système, une usine du monde.
Jusqu’à présent, j’ai considéré la mise en scène comme un geste d’herméneute. Fidèle à ce qu’on enseigne dans les écoles qui m’ont formée: un metteur en scène est l’interprète premier du texte, qui est le seul vrai fanal d’une création. Aujourd’hui je ressens la nécessité de déplacer mon geste, d’écrire une partition de corps, de textes et d’espace, d’humains et non-humains, pour dire les tentatives de résistance et d’invention précaire, les cabanes de sens dans les marges du temps.

« Faut qu’on se refasse une cabane, mais avec des idées au lieu de branches de saule, des histoires à la place des choses. » Olivier Cadiot.

Mathilde Delahaye


Mathilde Delahaye conte trois temps de l’histoire d’un lieu, occupations futures nées dans les ruines du capitalisme, réjouissants possibles où l’humanité se réinvente dans ses marges, où les derniers sont enfin les premiers. « Nickel » est une rêverie sensorielle, un songe dans lequel le langage passe par les corps plutôt que les mots, un futur dans lequel la vie se réinvente après le chaos.
[…]
A la croisée des arts, convoquant le théâtre, la danse, la performance, les arts visuels, le spectacle se révèle en œuvre d’art totale invitant le public à éprouver de nouvelles sensations, des émotions jusque-là inédites. Après la chute du capitalisme, la possibilité de vivre.
« Nickel » possède l’indéniable beauté des songes.

Blog Médiapart 7 février 2020


Et si on montait sur scène ?
Dernier stage de sensibilisation aux Arts Vivants de la saison 2019/20

Animés par des artistes professionnels sont proposés aux amateurs et font écho aux œuvres présentées sur nos plateaux durant la saison. Chaque stage est unique et aborde une discipline différente. Une aventure humaine et artistique le temps d’une journée, pour le plaisir, le partage et pour se découvrir !

Stage danse samedi 4 avril : "Le mouvement pour être libre" autour du spectacle Nickel les 26 et 27 mars.

Dernier stage de la saison autour du dernier spectacle et non des moindres : une plongée électrisante dans le monde du Voguing entre théâtre et danse. A ne pas manquer !

Horaires : de 10h à 12h30 et de 14h à 16h30
Participants : 20 personnes, à partir de 16 ans
20€ par personne, 16€ pour les abonnés du domaine d’O
Avec MADAME B alias Nicolas NELSON…